Dans ce livre sous-titré "Des montagnes enneigées à la direction de Nestlé", la conquête des sommets, paru aux éditions Favre à Lausanne en 2020, l’ancien patron de Nestlé décrit son parcours, marqué par son ascension à la tête de Nestlé, mais pas seulement.
Un livre inspirant : Ascensions de Peter Brabeck-Lethmate
Né juste avant la fin de la deuxième guerre mondiale à Villach en Carinthie (Autriche), il évoque pour commencer l’époque où il parcourait sa province natale au volant d’un camion pour y vendre des glaces et l’expérience des contacts avec la clientèle qu’il en a retirée.
De son service militaire dans les troupes de montagne, accompli juste après avoir passé sa maturité, il tirera plus tard une leçon : « toujours éviter les structures de type militaire afin de pouvoir susciter un climat propice à la créativité et à l’autonomie » (p.22). Il raconte ensuite comment, grâce à ses parents, il a aimé la montagne dès son plus jeune âge. Cet amour des sommets l’a conduit à participer avec un petit groupe d’amis à une expédition dans l’Hindou Kouch au cours de laquelle deux de ses compagnons, partis à l’assaut du Tirich Mir à 7708 mètres d’altitude, ne sont jamais revenus.
Cette tragédie l’a profondément marqué. Néanmoins, Peter Brabeck est parti pour l’Amérique latine, attiré par les Andes. C’est en effet au Chili, en Equateur et au Venezuela, avec quelques allers-retours entre le siège de Vevey et l’Amérique latine, que sa carrière chez Nestlé a démarré.
Il raconte ensuite comment, de retour à Vevey, et responsable de la division des produits culinaires de Nestlé, il a construit l’image de la marque Buitoni en faisant racheter et restaurer la maison de cette famille bien connue. Il en a fait un symbole de la marque (« Della casa Buitoni »). Ce succès a contribué à faire connaître Peter Brabeck à l’intérieur de Nestlé.
Son prédécesseur à la tête de l’entreprise, l’Allemand Helmut Maucher, lui aussi un self-made man, lui a fait confiance et les deux hommes se sont très bien entendus. Maucher a joué plus tard un très grand rôle dans la promotion de Peter Brabeck au poste suprême chez Nestlé en 1997.
Helmut Maucher ayant beaucoup développé Nestlé par l’acquisition de nombreuses marques – Nestlé en a compté jusqu’à deux mille -, Peter Brabeck a consacré de gros efforts dans ses années à la tête de la société à structurer le portefeuille de marques et à diffuser la culture d’entreprise au sein des entités acquises. Cela l’a conduit à rencontrer de très nombreux cadres de Nestlé aussi bien lors de séminaires dans le centre de formation de l’entreprise près de Vevey que sur le terrain dans les quatre coins du monde. Le document Nestlé Management and Leadership Principles a aussi contribué à renforcer la culture d’entreprise au sein de la multinationale.
Dans la suite de l’ouvrage, l’auteur explique le rôle vital de l’innovation (Nespresso, le virage vers la nutrition et les alicaments) et le concept de valeurs partagées : « Les objectifs économiques d’une entreprise doivent être la création de valeurs durables pour toutes les personnes impliquées : employés, consommateurs, partenaires commerciaux, actionnaires et économies régionales. Ensemble, nous devons créer et partager ces valeurs. » (p.159)
Il évoque aussi le dialogue instauré avec des ONG, souvent très critiques à l’égard de Nestlé, ayant très vite compris qu’il ne fallait pas ignorer ces remises en question, mais les prendre en considération pour s’améliorer.
Devenu président au départ à la retraite d’Helmut Maucher, Peter Brabeck a eu pendant quelques années une double casquette (directeur et président), jusqu’à la nomination de Paul Bulcke à la direction de l’entreprise. Il a été très critiqué à l’époque pour cela et explique dans le livre les raisons de ce cumul momentané.
La période durant laquelle il a exercé la seule présidence lui a donné l’occasion d’être plus actif dans de nombreux cercles économiques ou politiques, de s’engager en faveur d’une utilisation plus rationnelle de l’eau, dont il a été un des premiers à percevoir que c’est une ressource menacée par le changement climatique et le gaspillage.
Les dernières pages du livre sont consacrées à sa maladie et à sa guérison, ainsi qu’à ses activités d’investisseur dans différents domaines.
Dans le titre de cet article, j’ai qualifié le livre d’inspirant. En quoi l’est-il à mes yeux ?
Je vois trois domaines qui peuvent inspirer tout un chacun :
Le premier est la capacité de se déconnecter de ses activités professionnelles en pratiquant de nombreuses activités sportives (en l’occurrence, marche en montagne, ski, pilotage, moto, etc.). En effet, ce que les Anglo-Saxons désignent du terme work-life balance est un thème largement débattu dans le monde professionnel d’aujourd’hui et apparaît comme un antidote au burn-out.
Le deuxième est la capacité à apprendre de ses erreurs et à en tirer des leçons. Peter Brabeck a connu quelques échecs aussi, dont certains sont mentionnés brièvement dans le livre.
Le troisième enfin est l’ouverture d’esprit et particulièrement l’ouverture au dialogue avec les ONG. L’instauration d’un tel dialogue était loin d’aller de soi dans le monde des multinationales à cette époque.
Je ne peux en conclusion que vous inviter à lire ce livre !
Crédits photo
- Peter Brabek au World Investment Summit – Wikimedia commons
- Casa Buitoni – Flickr
- Glacier – Lemania Group of Schools
Autres articles
Nous ne sommes pas condamnés à choisir entre bonheur et écologie
Quand le CFC n’est qu’une première étape
Ecrire à la main aide à mémoriser ou du bon usage des tablettes
Ovomaltine, Rolex, Nescafé, Swatch ou Nagra. Qu’ont-ils en commun ?
Pédagogie : des lieux communs aux concepts clés
Fourchette Verte, internat et atmosphère familiale