La salle de classe bouge (encore)

Faites une recherche avec les mots clés « 21st century schools » et vous verrez apparaître toutes sortes d’espace colorés équipés avec des meubles aux formes originales. « On dirait un vaisseau spatial dessiné par IKEA. » m’a dit un jour mon fils.

Ces nouveaux espaces hétérodoxes et colorés mobilisent tous les efforts des architectes et des créatifs qui tentent d’imaginer le futur de l’école. A contrario, la salle de classe semble marquée du sceau de la banalité, peut-être parce que sa conception semble immuable.

La première consultation menée dans le cadre de la construction du Campus Groupe Lémania 2026 m’a conduit à réunir tous les directeurs du groupe autour de la question du futur de la salle de classe. La séance a rassemblé près d’un quart de millénaire d’expériences éducatives cumulées.La discussion a d’abord et avant tout permis d’établir que la salle de classe devait être considérée non comme un simple espace, mais comme un véritable outil de travail. La salle de classe assure certaines fonctions essentielles au bon déroulement de l’apprentissage.

Organisation de l’enseignement : la division des écoles en salles de classe appuie la construction du temps et des groupes, tout autant qu’elle assiste les efforts de discipline.

Équipement de l’enseignement : elle permet la mise à disposition et le rangement du matériel.

Régulation phonique : contrairement aux grands espaces ouverts, la salle de classe prodigue une acoustique stable et facile à exploiter.

La discussion a permis d’identifier également les contraintes qu’exerce la salle de classe sur la vie au quotidien. Les murs et les portes qui structurent l’espace peuvent représenter des obstacles à certains projets pédagogiques en limitant la taille des groupes, en compliquant le co-enseignement ou en masquant l’avance des activités dans les moments où une forte coordination est nécessaire.

C’est ici que l’intelligence collective du groupe des directeurs appuyé par les architectes de Win Architecture a permis une avancée qui sera décisive. Deux idées capitales ont émergé, qui permettent de renforcer considérablement les capacités de la salle de classe.

Idée 1 : la disposition et la conception des portes et des fenêtres font une différence

Les grands écrans de télévision mobiles (interactifs ou non) rendent caduques les larges parois nécessaires à l’accrochage des tableaux noirs ou des écrans de projection. Il devient possible dès lors d’ouvrir la salle de classe sur ses quatre côtés. Deux portes donnant sur le couloir permettent de diviser une grande classe pour créer deux classes plus petites (à condition que les fenêtres soient disposées en conséquence). Des portes ouvertes dans les parois qui portaient les tableaux noirs permettent de connecter les classes. Si les portes sont vitrées (même partiellement), l’ensemble des espaces communiquent visuellement.

Idée 2 : le semi-mobilier est préférable aux dispositifs mobiles

 La flexibilité est une condition nécessaire de la durabilité. Il doit être possible de faire évoluer la fonction des salles de classe. L’image qui vient le plus naturellement est celle des parois mobiles que l’on trouve depuis des décennies dans telle ou telle salle destinée à changer de taille régulièrement.

A l’expérience, ces parois présentent plusieurs défauts récurrents : le déploiement de la paroi mobile est souvent ardu, potentiellement générateur de dégâts, et l’isolation phonique n’est jamais aussi bonne que celle offerte par une paroi en dur.

Or, dans la plupart des cas, la nécessité de diviser une grande salle ou d’ouvrir en grand deux petites salles n’est pas immédiate. La plus grande partie des changements peut intervenir pendant les vacances d’été. Il en va de même pour les équipements qui permettent d’installer un laboratoire, une bibliothèque, une salle de dessin, un espace de travail collaboratif. La conception de semi-mobilier peut fournir les capacités de transformation nécessaires, de façon à faciliter la construction première des salles de classe, et leurs potentielles multiples reconstructions.

Ces deux idées seront au cœur de la création du Campus Groupe Lémania 2026. Grâce à elles, la distribution des activités pourra évoluer en permanence, en fonction de l’évolution aussi bien des effectifs que des méthodes d’enseignement.

Un aspect particulièrement séduisant de notre réflexion réside dans le fait que cette dernière peut s’appliquer aussi, en grande partie à des bâtiments scolaires existants. Nul besoin de raser les constructions existantes pour favoriser la flexibilité en profondeur. Ajouter des portes et s’approcher des artisans locaux pour tirer parti de leur créativité dans la création du semi-mobilier suffit. C’est une belle façon d’associer innovation et développement durable.

La réflexion sur la salle de classe n’empêche pas le Groupe Lémania d’envisager aussi les formes d’apprentissage en dehors de la salle. C’est notamment la mission du L21 Lab qui sera inauguré le 6 avril 2022.